BROGNIET Eric

Biographie

Éric Brogniet est né à Ciney le 16 août 1956.

Il est l'auteur d'une vingtaine de livres de poésie, d'essais et de textes critiques (voir Bibliographie).

Fondateur de la revue de poésie « Sources » (1987-2000, relancée sur le  site Web de la Maison de la Poésie et de la langue française depuis 2004) et de la collection « Poésie des Régions d'Europe » (1988-2000), il fut directeur de la Maison de la Poésie et de la Langue française et du Festival international  de la Poésie Wallonie-Bruxelles à Namur de 2004 à 2014.

Nommé citoyen d'honneur de la Ville d'Andenne, où il a vécu toute sa jeunesse, il fut aussi désigné Namurois de l'année 1990 par l'association namuroise Confluent. Il a reçu en 2000 le Prix Adam, décerné au meilleur animateur culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles de l'année dans le domaine de la poésie.

Il a été élu à l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique le 17 avril 2010, dont il devient le plus jeune membre. Il y succède au poète Fernand Verhesen.

Bibliographie

Poésie

  • Femme obscure, Paris, La coïncidence ; Le Pont de l'Épée, 1982. Premier livre publié, comportant 24 poèmes, en des évocations et des métaphores disant à la fois l'amour, l'humain et un monde désaccordé.
  • Terres signalées, Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1984. Coll. Poésie sans frontière. Ce livre édité dans cette collection de poésie européenne où figurent trois autres poètes belges (Goffette, Schmitz, Wauthier) a reçu le Prix Hubert Krains 1983, de l'Association des Ecrivains belges de langue française, et le Prix de poésie Robert Goffin 1984.
  • Le feu gouverne, Lausanne, L'Age d'Homme, 1986. Ce troisième livre de poèmes, qui se déroule en trois chapitres comme une quête initiatique du sens et de l'humain dans un monde aux repères éclatés, et dont le ton s'approche de celui de Char et de Michaux, a reçu en France le Prix Max-Pol Fouchet 1986.
  • Usage du rêve, Valenciennes, Centre Froissart, 1987. Coll. Cahiers Froissart ;110. L'auteur utilise ici le support d'une iconothèque personnelle choisie (Tanguy, Ernst, Chirico, Delvaux, Magritte, etc.) pour recréer par l'écriture le climat de ces oeuvres picturales surréalistes où la mécanique du désir et du rêve sont minutieusement mises en scène. Cet ouvrage a reçu le Prix Pierre Basuyau 1987, décerné par l'Association Froissart à Valenciennes et le Prix Lucien Malpertuis de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique 1990, occasion d'un vif hommage rendu à ce livre par Albert Ayguesparse.
  • Les jardins de Monet, Amay, L'Arbre à Paroles, 1989. Coll. Buisson ardent. Le célèbre peintre impressionniste et son fameux jardin de Giverny sont ici un support pour la description d'une expérience toute personnelle de l'auteur vis-à-vis de la nature, des paysages élus et du rapport à la lumière.
  • Asturies couleur du temps, Mortemart, Rougerie, 1989. Coll. Poésie présente. Journal poétique de ses fréquents séjours dans le Nord de l'Espagne entre 1977 et  1987, également apprécié par le poète Jacques Izoard, ce livre décrit aussi un rapport particulier à la nature et à la lumière, dans une sorte de tellurisme cosmique traduisant bien l'âme de cette région.
  • Visage de Jeanne Modigliani, Alghero (Sardaigne), Nemapress Éd., 1990. Version en italien. Traduction italienne, par Bruno Rombi, de ce poème écrit en rapport avec la figure de Jeanne Hébuterne, compagne du peintre Amedeo Modigliani et dans l'évocation de l'oeuvre et de la vie de ce dernier. Ce poème deviendra la première partie du recueil L'Atelier transfiguré.
  • Cryptographie solitaire des astres, Châtelineau, Le Taillis Pré, 1990. Coll. La Main à Plume. Dessins d'André Miguel. À la demande du poète André Miguel, et de l'éditeur Yves Namur, l'auteur réalise une série de textes poétiques sur le thème du rhizome et du noyau. Le port folio est composé de textes manuscrits et de dessins surréalistes en noir et blanc d'André Miguel.
  • Nicolas de Staël, le vertige et la lumière, Strépy-Bracquegnies, Galiena, 1991. À la demande de l'éditeur et poète Antonello Palumbo, trois poèmes consacrés à des oeuvres du grand peintre fondateur du lyrisme abstrait, Nicolas de Staël : "Paysage 1953", "Paysage 1952", et "Le concert" sont ici offertes dans une édition à tirage limité, cousue à la main par la poète Mimy Kinet, alors collaboratrice des éditions Galiena.
  • L'Atelier transfiguré, Paris, Le Cherche-Midi, 1993. Ce livre architecturé en quatre parties complémentaires est particulièrement construit autour de la figure du créateur et du travail de l'artiste. Une première partie consacrée à Modigliani est suivie par un "Monologue du peintre", auquel fait suite une troisième section dédiée à l'univers de Marc Chagall puis une section finale qui donne son titre à l'ensemble du livre. Il a reçu, à Paris, le Prix Louise Labé 1994.
  • Transparences, Bruxelles, Les Eperonniers, 1992. L'ensemble des poèmes de ce livre, publié dans une collection dirigée par Liliane Wouters, est basé sur l'expérience et les textes de "Cryptographie solitaire des astres", dont l'écriture s'est poursuivie entretemps. Le romancier François Emmanuel notait à propos de ces poèmes l'utilisation particulièrement intéressante de tout un vocabulaire inhabituel en poésie, celui de la médecine et de la physique, notamment.
  • Surgissements, Soumagne, Tétras-Lyre, 1992. Coll. Accordéon.
  • Eblouie, traversée, Amay, L’Arbre à paroles, 1995. Coll. Buisson ardent. L'auteur donne ici dans une courte suite de poèmes une description d'atmosphères et de paysages découverts lors d'un voyage en Irlande en été 1994.
  • L'ombre troue la bouche, Amay, L'Arbre à Paroles, 1996. Ce livre est comme une traversée du désert, ou d'un enfer à la fois personnel et collectif. L'auteur y décrit une expérience de rupture intérieure tout en évoquant pour la première fois dans son oeuvre l'expérience de la Shoah et de l'univers concentrationnaire. Ce livre a reçu le Prix Eugène Schmitz, décerné pour une oeuvre à haute valeur morale, par l'Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique.
  • Des oracles des muets, Amay, L'Arbre à paroles, 1996. Cette longue suite de poèmes en prose explore les déserts intérieurs de l'âme contemporaine en des textes forts, économes et percutants qui dénoncent la solitude de l'humanité et les dérives du monde postmoderne.
  • La tentation de Saint Antoine, Namur, Sources, 1996. Collection Tiré à Part. Ce port-folio de bibliophilie, dans une édition hors commerce, est basé sur le célèbre tableau (1878) de Félicien Rops, représentant une femme nue mise en croix, éloignant le Christ de celle-ci, et devant laquelle l'anachorète est saisi d'épouvante. Poème érotique, cette oeuvre particulière célèbre la victoire du désir et de la chair sur toutes les mortifications imposées par un monde de convenances ou les expériences traumatisantes de la vie.
  • La nuit foudroyée, Vaison-la-Romaine, Editions Le Geai Bleu, 1997. Coll. Bibliofil. Illustrés par deux gravures originales du poète, graveur et éditeur belge Pol Laurent, ces poèmes qui touchent au thème concentrationnaire, au génocide, en empruntant aux prophètes de l'Ancien Testament, disent aussi la condition de l'homme du XXème siècle, et utilisent un procédé en miroir dans la mise en page afin de faire dialoguer les différentes voix reconnaissables dans cette oeuvre. Une édition H.C. sous coffret entoilé contenant des dessins en noir et blanc et en couleur de l'artiste Jeanne-Marie Zele a par ailleurs été réalisée à l'occasion de l'exposition consacrée au poète par la Bibliothèque Moretus-Plantin, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur, 2002).
  • Dans la chambre d'écriture, Lausanne, L'Age d'Homme, 1997. Coll. Contemporains. Ce livre de poèmes, que la critique a décrit comme étant le plus métatextuel dans l'oeuvre du poète, est axé sur le discours amoureux et l'aventure poétique, comme si la femme aimée et lointaine, mais interdite ou impossible à  rejoindre, était une métonymie de la poésie elle-même. Ce livre a reçu le Prix Maurice Carême 1997.
  • L'agonie au calvaire, Namur, Editions de l'Acanthe, 1998. Edition originale tirée sur papier Coriandoli Candido, ces poèmes qui formeront ultérieurement un des chapitres de Autoportrait au suaire, sont accompagnés d'un avant-dire et orné d'une linogravure originale de Henri Falaise, poète et artisan imagier.
  • Célébration de la lumière, Amay, L'Arbre à Paroles, 1999. Coll. Le Buisson ardent.
  • Rhétorique de Sade, Amay, L’Arbre à paroles, 2000. Coll. Textimages. Gravures originales de Jean-Claude Simus. Cette suite poétique, publiée ici dans une version de livre d'artiste, et qui sera ultérieurement intégrée à son livre Mémoire aux  mains nues, indique non seulement la fascination de longue date qu'éprouve l'auteur pour l'oeuvre de Sade mais illustre une fois encore les rapports que le poète établit entre le désir et le langage, entre l'imaginaire, la parole et le corps, entre écriture et  érotisme.
  • Nos lèvres sont politiques, Ayeneux/Soumagne, Tétras Lyre, 2000. Illustré par Thierry Wesel. À la suite de sa rencontre au Québec avec le poète-pamphlétaire québécois Yves Boisvert en 1998, et des rapports qu'il entretient  avec l'oeuvre de ce dernier, l'auteur, sollicité par Jacques De Decker et la revue Marginales pour un numéro consacré à l'actualité politique de cette année-là, écrira d'un seul souffle ce texte très peu remanié par la suite. Le poème est un poème en prose, découpé en paragraphes qui alternent et dont chacun dit l'histoire d'une femme : Monica Lewinsky, dont la liaison avec le président des Etats-Unis fit scandale, et Semira Adamu, une jeune africaine, étouffée par des gendarmes, dans l'avion qui devait décoller de Zaventem pour l'expulser vers son pays d'origine. Le poème recourt au cut up, à l'intertextualité (notamment par des insertions d' America, du grand poète beatnick américain Allen Ginsberg et des textes des prophètes de l'Ancien Testament). Les deux figures féminines, symbolisées par leurs lèvres, sont comme les symptômes et les victimes d'un monde dominé par le mensonge, la propagande et la violence. Une mise en ondes de ce texte a été réalisée par Dolorès Oscari, avec la voix de Jacques De Bock (RTBF, Radio, La Première, Si j'ose écrire, 31 décembre 1999).
  • Autoportrait au suaire, Lausanne, L'Age d'Homme, 2001. Cette oeuvre majeure de l'auteur est composée de sept chapitres. Elle représente le premier volet d'une trilogie axée sur la figure de l'errant. La dernière partie, Le livre brûlé, a été écrite à la suite d'un séjour en Israël, et notamment, à cette occasion, en compagnie des poètes Christian Hubin et Marlena Braester, de déplacements en Galilée, à Jérusalem et dans le désert du Golan. À la fois monodique et polyphonique, cette oeuvre qui renoue avec le souffle biblique et quelquefois les grandes imprécations prophétiques (Ode aux maternités noires) dénonce la condition de l'homme postmoderne, privé de sens, pris aux rêts d'un langage détourné, et n'ayant plus même de visage. Au sein de cet effondrement, seuls de brefs laps visionnaires témoignent de la permanence du possible. L'illustration de couverture est due à l'artiste israélienne Colette Leinman. À consulter : le blog de Christophe Van Rossom
  • Mémoire aux mains nues, Bruxelles, Le Cormier, 2001. Développé à partir de Rhétorique de Sade, ce livre tente de répondre, en des poèmes aux métaphores les plus adaptées, à cette question posée par le poète surréaliste belge Paul Nougé : comment écrire l'érotisme en renouvelant la langue, sans tomber dans la vulgarité ou les formules convenues et usuelles? L'épilogue renoue avec la thématique déjà abordée par l'auteur dans des livres précédents : celle d'une découverte infinie du corps vivant, de la mise en branle d'un imaginaire libéré des convenances, celle d'une exploration de la parole comme acte amoureux et du désir ou de l'érotique comme créateurs d'une parole autre. Ce livre a reçu le Prix René Lyr 2003. Consultez un extrait de ce livre.
  • Poésies I et Poésies II , Amay, L'Arbre à paroles, 2002. Deux tomes. Rétrospective de son travail poétique élaboré entre 1982 et 2000, à l'exception des deux oeuvres encore disponibles chez l'éditeur suisse L'Âge d'Homme, mais comportant plusieurs sections inédites, dont un étonnant poème L'humanité délivrée, à l'écriture particulièrement adaptée pour des performances publiques qu'il donne parfois avec l'un ou l'autre groupe de rock, écriture poétique proche de l'univers de la science fiction (on sait que l'auteur voue une fascination particulière à l'univers de Philip K. Dick), ces deux tomes permettent à fois un bilan de vingt ans d'écriture et d'une cohérence lisible au sein du corpus publié durant cette période et la découverte d'une écriture qui ne cesse d'explorer d'autres frontières, d'autres formes, de se risquer, refusant tout enfermement en elle-même. À l'occasion de cette publication, l'auteur a également reçu, pour son travail d'animateur de la vie culturelle poétique en Communauté française de Belgique, le Prix Adam 2000.
  • Une errante intensité, Bruxelles, Le Cormier, 2003. Photographies de Bernard Gilbert. Poèmes écrits à la suite de sa rencontre avec le peintre contemporain Bernard Gilbert, et de visites dans son atelier, situé dans une usine désaffectée dans la vallée de la Molignée (entre Namur et Dinant), ce livre traite de l'acte créateur, de son exigence, des chantiers et des ruines à partir desquels construire un sens qui n'est jamais un but à lui-même, mais simplement le révélateur d'une errante intensité. Créer ou crier comme dans l'orgasme, exprimer le souffle qui définit le vivant plutôt qu'élaborer des discours et figer la métamorphose nécessaire à la poursuite de la vie. Les poèmes, très dépouillés, dialoguent avec l'univers et l'atelier concrets de l'artiste et sont illustrés par des photographies prises par le peintre des lieux d'où surgit sa création.
  • La nuit incertaine, Paris, TranSignum, 2004. Livre d’artiste, avec Luce Cleeren. Version néerlandais-français, trad. néerlandaise de Jan Miskijn. Version anglaise de Patrick Williamson, 2005. À la demande de l'éditeur de livres d'artistes et de livres rares pour un public de collectionneurs et de riches bibliophiles, Wanda Mihuleac, divers poèmes appartenant à différents recueils antérieurs ont été réunis ici et illustrés par l'artiste flamande Luce Cleeren ainsi que traduits par le poète et traducteur Jan Myskijn. Le livre a été réalisé sur les presses du Frans Masereel Centrum.
  • Parole et empreinte, Paris, TranSignum, 2004. Coll. 5/5. Livre d’artiste avec Roland Castro. Livre d'artiste réalisé avec le photographe liégeois Roland Castro. Sous boîtier pvc destiné à contenir habituellement des cassettes video, et sur lequel a été collé une gravure tirée d'une photographie noire et blanc réalisée par un procédé à la gomme, trois poèmes manuscrits au crayon sur beau papier à la cuve accompagnés de trois gravures réalisées par l'artiste selon le même procédé que pour la couverture.
  • Celle qui s’est levée avec le soleil, Amay, L’Arbre à paroles, 2004. Vignette de couverture de  Roland Castro. Edition à tirage limité et pour les bibliophiles, ce poème d'amour est illustré par une vignette de couverture originale due à l'artiste liégeois Roland Castro.
  • La passagère, Rennes, Editions Dana, 2004. Livre peint par Thierry Le Saëc. Livre publié par le poète et éditeur Erwann Rougé, dans un travail de dialogue entre le poème et le langage de peintres contemporains, cet ouvrage tiré sur beaux papiers, sous emboîtage de plexiglas, est illustré aux crayons de couleur par le peintre Thierry Le Saëc. Les poèmes sont tirés d'un manuscrit inédit réalisé lors d'une résidence d'écriture d'un mois offerte à l'auteur, en janvier 2003, à Montréal, par l'Association des Ecrivaines et Ecrivains québécois.
  • Un automne à Ljubljana, Colommiers (France), Editions Encres vives, 2004. Coll. Lieu. Poèmes écrits lors d'un séjour en Slovénie, à Ljublijana et à Vilenica, où il rencontre avec les poètes Peter Semolic, Taja Kramberger et Brane Mozetic. Cette suite sera reprise dans Ce fragile aujourd'hui. Une version est disponible sur le site de littérature Pleutil.
  • La lecture infinie, Trois-Rivières (Québec) ; Amay (Belgique), Ecrits des Forges ; L'Arbre à paroles, 2005. Ce livre publié au Québec reprend un choix significatif de poèmes de l'auteur, dans les ouvrages publiés entre 1982 et 2001.
  • Ulysse, errant dans l'ébloui, extraits d'un travail en cours, 2005, in : Trans-ports poétiques, n° 5, "Du côté de Carthage" : dossier coordonné par Jalel El Gharbi. Lire le poème :  http://www.babelmed.net : "Eric Brogniet : un périple au long cours, dans un labyrinthe qui se dévoile au fil des pa(ge)s. Longue marche à la rencontre exclusive des mots qui ont encore du sens. A leurs carrefours, quête des sens croisés. Avec en fil rouge cette image progressive mais tenace d’un Ulysse, héros magnifié, luttant non plus contre les monstres de l’abyme, mais contre les rats qui rongent de l’intérieur." (Cédric Flament). Extrait d'un livre en cours d'achèvement d'écriture, ce poème formera la matière d'un nouveau livre à paraître, qui complètera le cycle ouvert avec Autoportrait au suaire et Ce fragile aujourd'hui. Dans ce long poème découpé en chants, l'auteur met en scène un personnage mythique de l'Antiquité mais également révélateur de la littérature moderne du XXème siècle, en ce qu'il incarne désormais non plus le guerrier tourné vers les conquêtes extérieures, mais le héros de sa propre errance intérieure. Le poème, comme dans Autoportrait au suaire, est écrit pour permettre une adaptation scénique à plusieurs voix.
  • Sous un ciel infini d'inquiétude, extraits inédits, Bruxelles, Editions Liaisons, 2005. In : Revue Liaison, n° 24. (Distr. Aden Diffusion). La présente version (extraits choisis) d'Un automne à Ljubljana est ici illustrée par des photographies en couleur de Philip Waters, photographe  anglo-australien. Lire le poème.
  • Cibles, Poèmes et DVD, livre d'artiste avec Alain Fleurent, Trois-Rivières (Québec), Atelier Presse Papier, 2006. Formé de disques colorés aux lignes en forme de vortex, représentant des cibles où les vers épousent également les courbes et les lignes de ces vortex, ce livre-objet, conçu par l'un des plus créatifs des artistes visuels et performeurs québécois actuels, Alain Fleurent, a été réalisé lors du Symposium d'Off Set  d'Art qui s'est déroulé à Trois-Rivières en février 1993. La sortie de presse en décembre 2006, à la Maison de la Poésie de Namur, a donné lieu à une lecture-performance à plusieurs voix, en boucle, par l'auteur, l'artiste, Lucy Migeot et Vincent Tholomé. Les cibles de papier sont  encloses sous un boîtier d'acier destiné à contenir de la  pellicule cinématographique.
  • Ce fragile aujourd'hui, Châtelineau, Le Taillis Pré, 2007. Prix Gauchez-Philippo, 2009. (Province de Hainaut). Deuxième volet de la trilogie entamée avec Autoportrait au suaire, le poème traite de la condition de l'homme contemporain en proie aux expériences de la beauté et du gouffre, de la faillite personnelle et collective, de la  douleur et de l'amour. Ce livre a été l'un des cinq finalistes nominés pour le Prix littéraire du Parlement de la Communauté française de Belgique en 2006.Lire la critique de cet ouvrage.
  • Le centre n'est rien. Sofia (Bulgarie), Editions Pet Plus, 2008. Anthologie poétique en bulgare. Poèmes traduits par Andreï Manolov. Ce choix de poèmes, d'une centaine de pages, a été opéré par le traducteur bulgare de St John Perse, Andreï Manolov et publié en bulgare par les éditions Pet Plus. Le choix a été réalisé d'après les deux volumes de Poèmes I et Poèmes II (éd. L'Arbre à Paroles, 2000).
  • Géométries de la fièvre, Bruxelles, Hayez, 2008. Galerie photos de la lecture-performance à la Maison de la Poésie le vendredi 14 novembre dans le cadre de la Fureur de Lire 2008 "Révolutions". Le port folio comporte une édition courante contenant 31 poèmes et 30 photographies, dont 24 noir et blanc et 6 couleur et une édition de luxe comportant de plus une photographie inédite et un poème manuscrit. Les exemplaires sont signés et numérotés. Une première version a paru dans la revue Marginales, éditions L. Wilquin, n° 259, automne 2005. Une autre version, antérieure, est disponible sur le site de littérature Pleutil. Travail poétique réalisé à partir des photographies fétichistes de Jacques Leurquin, artiste namurois, père créateur des "Fantasmatiques", où le cliché en noir et blanc du corps féminin magnifié par les matières (vinyle, PVC, latex, cuir) est une véritable sculpture de la lumière.
  • Tutti Cafaveri, Amay, L'Arbre à paroles, 2017. Traduction italienne par Rio Di Maria et Christina Panella. 

 

 

"Chercheur d’images, inlassable traqueur de lumière, Jacques Leurquin est le père créateur des « Fantasmatiques », cette marque déposée du corps-fétiche, de la matière vinyle ou latex, des ombres charmeuses se frottant à l’éclat d’un flash inquisiteur. L’espace extérieur par lui exploré fut celui, formel et charnel, d’une cuissarde luisante, d’un sein grainé, d’une cuisse vierge s’offrant comme terre d’abordage. L’espace intérieur fut terre d’adoration. Celle de la femme magnifiée. Celle d’une déesse proposant à ses vrais fidèles une union jamais entièrement consommée. (...) Eric Brogniet et Jacques Leurquin partagent la même obsession. Celle du désir. Mais d’un désir majuscule. Dans ces pages qui s’offrent, il est une constante. Un battement de coeur. Une pulsation.  Un désir de vie. Ces deux-là sont des héros de l’Eros. Des hérauts de l’Eros.Eros comme exploration des limites de notre finitude, Eros comme antidote à la mort. Eros comme antithèse à Thanatos. Mort à la mort. l'artiste est un révélateur." (Cédric Flament).


Photos : Denis Tombal, 2008. Tous droits réservés.
 

  • Ulysse, errant dans l'ébloui, Châtelineau, Le Taillis Pré, 2009. Troisième volet d'un ensemble commencé avec Autoportrait au suaire (2001) puis poursuivi avec Ce fragile aujourd'hui (2007), Ulysse, errant dans l'ébloui est une figure de la confrontation à "l'inguérissable" : Ulysse n'est plus ici l'individu enfermé dans une situation de guerre, de conflit, ou d'exil, il est l'homme des "grands cataclysmes intérieurs". C'est de ses propres déchirures qu'il souffre, de son incapacité à adhérer à sa vie, et la violence qu'il évoque est l'expression d'un mal-être d'autant plus impossible à surmonter qu'il n'offre aucune prise. Echoué et sans repères dans une existence dont il ne comprend guère le sens, il est le survivant d'un naufrage intérieur. De même que le Minotaure des contemporains est devenu le monstre que Thésée porte en lui-même, la guerre à laquelle se confronte l'Ulysse d'aujourd'hui est celle de cet exil intérieur. Cet Ulysse-là ne peut lutter contre l'irrémédiable. Il n'a d'autre vis-à-vis que lui-même et l'incompréhensible vacuité de l'existence. Pas plus qu'aucun de ses prédécesseurs dans le siècle, il ne tire de gloire de son parcours dans la débâcle, mais il est au coeur même de ce qui les rassemble tous : la fragilité de l'humain. (Myriam Watthee-Delmotte) 
  • Tutti Cadaveri, texte publié dans Suivez mon regard, Namur, Institut du Patrimoine Wallon, 2011. Ce texte consacré à la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle figure dans un ouvrage collectif destiné à mieux faire connaître le patrimoine de la région wallonne. Voir Télétourisme hebdo du samedi 12 mars 2011.
  • Géométries de la fièvre : lecture, spectacle. Chez l'auteur, [2011]. Textes d'Éric Brogniet, mise en scène de Jacques Neefs, photographies de Marianne Grimont. Ce livre reprend les textes et les photos du spectacle "Géométries de la fièvre", suite aux  représentations qui se sont déroulées le 11 février 2010 à la Maison de la Poésie et de la Langue française (Namur) et les 12 et 13 février 2010 au Théâtre de la Clarencière (Bruxelles). Éric Brogniet, Christophe Pairoux, Arthur Rain.
  • No Human Project : une performance rock & poésie. Chez l'auteur, [2011]. Les textes d'Éric Brogniet et de Christophe Pairoux sont accompagnés des photographies de Marianne Grimont.
  • Deux poèmes dans l'ouvrage : Goulet, Michel. Alchimie des Ailleurs : Les chaises-poèmes de Charleville-Mézières. Milan : Silvana Editoriale, 2012. p. 40-41.
  • À la table de Sade, Le Taillis Pré, 2012. (Erotik). Voir ici une lecture de Lucia Acquistapace dans "Recours au poème". Écoutez le poète au micro d'Edmond Morrel.
  • Graphies, nue noire. Éditions Tétras Lyre, 2013. (Lettrimage). Photographies de Marianne Grimont. http://www.editiontetraslyre.be/catalogue/?139-graphies-nue-noire

 

Textes


GRAPHIE DE LA FOUDRE




Du fond d'une telle douleur
Comment se peut-il
Que survienne
Telle extase ?

La foudre ne naît pas hors l'orage
Mais du coeur même de l'orage

Aucune parole ne sera signée sans ce sang
Aucun verbe ne viendra que du coeur de la chair

Aucune beauté ne sera saluée sans stupeur

                         *

Quand le coeur est un orage
Et qu'il y neige des tumeurs

Quand plus rien ne troue ces noirceurs
Et que le moindre souffle met en désordre
Les fragiles beautés dont vous vous entourez
Pour n'être pas plus avant blessés

Quand le monde est bleu dehors
Et que tout ce bleu vous déchire
Quand la mer en vous n'est plus
Que sable en ruines

Je viendrai dans le désir
Je vous rendrai la mer pour faire silence
Et vous donner la force
Qui me troue de part en part

                        *

J'irai jusqu'au bout de ma fatigue et de mes peurs
Et de la force qu'elles versent en moi

Je n'ai plus besoin d'images
Pour dire ce feu qui me traverse

A l'appauvri demeure encore ce grand travail
D'approfondir vivant le mystère de mourir
A chaque seconde aux apparences
Qui font entre nous et l'indicible
L'obstacle de l'inauthentique

Seule parle la bouche bouleversée
Seul enfante le ventre fendu en bas

                         * 

Ecrire ceci sera-t-il toujours
Le testament infini de nos pertes
De ce que nous n'atteindrons
Définitivement jamais ?

Pas à pas dans l'éboulement des alphabets
Sous le ciel d'Orion dont la beauté
Nous fait sentir à quel point, fragiles
Nous penserons toujours

Des utopies inguérissables

                                       

     

 

Je suis belle, ô mortels, dans le drapé de clarté où je vous dévisage
Mon insolence, mon désir fauve vous démasquent
Il pleut sur le noir des rayures
La lumière en flaques brûle sur ces laques
Je vous envisage à distance sous le loup d’un charbon cristallin
Vous ne verrez que mon buste livré aux caresses de l’air
Avec de mes seins les astres érectiles
Tandis que je halète en circuit fermé
Sous le masque et son appendice caoutchouté
 
(...)

Je vous dévisage d’un regard retourné
A  sa lumière intime et aux profondeurs
D’où je renais, ressourcée aux abîmes
Mon front plissé de latex est plein d’ombres étales
Où vient chuchoter vague après vague la bouche de la mer
Sous l’astre primordial dont la lueur me moule
J’offre mes lèvres et leur blessure de rose noire
Et mon buste infini comme une plage
Dont les globes aux pointes étranglées
Sont les soleils qui vous calcineront
 
 
Tout désir est vertical : comme une foudre tirée à la ligne
Et qui fend le cosmos de son épure
Ma vie s’est relevée d’entre la perte et le deuil
Avec l’apocalypse du sang fouetté
Je parle une langue étrangère
Que bien peu sont capables d’entendre
Vais-je vers votre œil que ce rideau battant fait chavirer
Descendre avec mon plexus de lumière
Et ma fourche de chair au doux tissu gonflée
Vais-je coller ma bouche vulvaire à vos lèvres
Outragées ou me redresser en soulageant très lentement
La tension de mes cuisses laquées d’obscur et d’éclairs ?
Où se reflète l’empreinte de votre face perdue ?
Je suis sereine car souveraine en ce geste arrêté
De la résolution où, si je le veux, vous vous abîmerez
 
(...)
 
Je sacrifie au soleil mon corps renversé
Et ma tête qui penche tant que je vois
L’horizon sans limites à l’envers
Crucifiée au sol en cet abandon qui me fend
Avec le brasier du ciel qui enflammera
De touffe en touffe le buisson ardent
Dont la prophétie ouvre au bas de mon ventre
La blessure d’où naissent depuis toujours
Les siècles fertiles

(...)
 
La page est vierge où je m’accroupis
Tellement nue que vous me lirez comme un brouillon
Inachevé
                Chasseresse aux poignets de cuir, rose
Effeuillée sous sa corolle de vinyle
Avec sous l’astre blond qui me coiffe en désordre
Le loup profond, le funèbre voile sous lequel
Je vous perce à jour et vous ferai jouir
La lumière vénéneuse éclaire presque violemment
De mes nuits le rubis
                Je suis votre clair de lune et mes lèvres ombrées
Ont pour vous qui n’y porterez ni la main ni la langue
La douceur fascinante d’un fruit nu, obscène et défendu
 
(...)

Je suis  votre blasphème à visage d’ange
En cet écrin mortuaire
Inactuelle et déplacée
Je fixe comme une stupéfiée
Au-delà de la mort sur laquelle
Je frotte ma croupe
Le paradis chaviré, la violente nostalgie
Draperies de velours, glands lourds
Aux béants orifices, catafalques funèbres
Ma bouche d’ombre entre mes jambes
Electrifie votre immobilité
 
(...)

Mon corps est une cavale et mon sexe
Imberbe a la douceur de ses naseaux
Confessez-vous à moi, je suis experte en introspection
Ma croupe est zébrée des traits jumeaux d’une épure
Droite et noire comme l’âme qui palpite avec une douceur d’oiseau
Sous le corset qui étrangle mon cœur
Je suis inatteignable à ces hauteurs que me font les lignes
D’un poème écrit à l’encre sombre
On ne sait plus ce qui traverse le jour avec lenteur
Avec des nuées de lait qui perlent de vous
Tandis qu’un grand silence traverse le feuillage des vitres
Que l’on entend battre au fond de l’air et de la solitude
Un sang qui sourd comme une rosée noire
Sous la lumière électrique malgré le soleil de quatre heures.
(...)
 
Du jasmin je n’ai que l’odeur et, peut-être
Sous mon harnachement d’amazone qui crisse
A chacun des mouvements que j’imprime
A mes abandons calculés, l’éclat virginal
De mon intimité. Car j’aime troubler la candeur
Et suis impitoyable ainsi qu’une morsure
Avec mon ventre dont l’alcool vous tuera
Je suis la nocturne anémone, la violente inquisition
L’ange noir aux yeux d’amande amère et de bouche sanguine
Aux jambes infinies comme une journée de solitude
O Thésées qui me contemplez du fond de vos cités
Pleines de normes et d’épouvantes
Je suis le Minotaure de vos ciels luxueux et rêvés
 
(...)
 
Liquidité percutantes autant que cristallines
Je vous dévoile mes frottements
Avec des lèvres habitées, la parole de la sensation
Nue est belle comme une bombe à retardement
Ce sont des ciels ! Les voiles de la liberté
Sait-on jamais jusqu’où le vent va les pousser 
Avec l’étincelle de l’inconvenant
Et la poudre de l’inconçu ?
 
 
Négative, je suis la négation de vos aveuglements
Et si je dérobe à vos yeux mes douceurs sous des robes
Aux troublants artifices, sous des voiles funèbres
Où les mailles dessinent leurs arachnéens labyrinthes,
C’est que, dans ces liens ou ces moires que la lumière
Artificielle expose, vous devinez mieux qu’à la lueur
Morale l’infinie nature de la divinité dont nous sommes pétris
Mes crépuscules sont la forge où s’élaborent un profond incendie
L’enfance de l’art et ses travaux manuels
Les confessions d’un masque, une écriture violente
Avec membres et stylet
Je suis le fil d’Ariane ou l’obélisque enchaînée
Et mes plages sont noires avec des bouquets de muguet
A votre manche j’offre le parfum froncé d’un œillet
Je vous dévoile de la vie les métamorphoses infinies
Le réel est une pellicule surexposée
Où l’on ne peut bien voir qu’en se brûlant les yeux...
 
 
                                               Extraits, inédits
                                               2004-2005

Commentaires

Eric Brogniet s'est hissé au premier rang de la poésie d'aujourd'hui. Comme analyste, comme penseur, comme animateur, mais surtout comme praticien. Il est devenu une des consciences de référence dans le domaine, capable du retrait créatif comme de l'immersion dans l'action. Son oeuvre propre, très appréciée des connaisseurs, était cependant trop dispersée pour permettre l'accès aisé au profane. Les éditions de l'Age d'Homme et leur dynamique directeur littéraire, Claude Frochaux, d'une admirable attention aux lettres belges, ont veillé à corriger ce manque. Sous le titre Autoportrait au suaire, voici rassemblés quelques-uns des textes majeurs de Brogniet. Il est un lyrique surdoué qu'aucune scansion, aucune respiration ne rebutent: dans les registres les plus divers, il fait preuve d'une souveraine sûreté, sachant aussi réinvestir un espace du sacré que l'on croyait déserté par la poésie de ce temps. Brogniet croit à une capacité d'illumination poétique: Des corps des écritures/ Des palimpsestes/ Avec souffrances/ Et jouissances/ Et soudain venu au clair/ Ce qui se tend à ce qui s'ouvre/ La part manquante/ Au sein des strates noires. Il y a une fièvre dans cette poésie de la passion, mais aussi une intelligente guidance. La synthèse de la pulsion et de la réflexion donne tout son prix à cette aventure poétique majeure.

Jacques DE DECKER, Le Soir, 14-02-2001.


L'ANGOISSE ET LA FERVEUR

Rien jamais ne guérira la blessure et la merveille de vivre
Toujours le sang battant dans les artères dévide son dû
D'épouvante et de faiblesse autant que d'élévation

Ces vers, issus de sa Ballade à l'humanité délivrée, pourraient tenir lieu de portail au domaine que l'oeuvre poétique d'Eric Brogniet, composée tantôt de plaquettes, tantôt de volumes plus ambitieux, arpente, avec fièvre et tension, depuis, disons, vingt ans. Le moment semble venu de poser enfin un regard sur l'ensemble de ses livres et ce, afin de prendre la mesure de toute la cohérence de sa démarche mais aussi de l'acuité de la réflexion sur le langage ainsi que de l'extrême exigence de son propos. Dans la préface qu'il consacre à Dans la chambre d'écriture (Lausanne, L'Age d'Homme, 1997), Jacques Crickillon soulignait déjà que la beauté de cette poésie tenait à ce qu'elle établissait son territoire entre angoisse et ferveur, dans une dialectique toujours à recommencer entre l'inquiétude et l'amour. Mais si la poésie d'Eric Brogniet refuse par conséquent de s'offrir le luxe d'une transparence (à laquelle il lui arrive cependant de rêver, comme par exemple dans Célébration de la lumière (1999) ou, déjà, dans le recueil intitulé Transparences (1993), justement), il serait néanmoins erroné d'en conclure à une obscurité ou un hermétisme au petit pied avec lesquels certains poétaillons mal dégrossis confondent malheureusement l'activité poétique quelquefois. La poésie de Brogniet, qui joue volontiers de la fluidité du vers libre non ponctué, a sa lumière propre et ses rythmes ; mais elle refuse de céder à la facilité, à une parole trop immédiatement libre. C'est avec la plus grande circonspection en effet que Brogniet s'engage dans la langue, et ce n'est guère qu'après les avoir longuement revisités sinon redéfinis même, qu'il s'autorise à recourir à quelques grands vocables, plus proches dès lors du silence ou de la musique d'un Webern, que du bavardage ou du bel canto. Et même, lorsqu'un territoire verbal semble acquis, propice enfin à approcher un peu l'émerveillement procuré par un paysage ou l'exsaltation de l'amour, Brogniet hésite : il sait que se taire sans doute serait plus sage. Mais la poésie n'a rien à voir avec une trop sage sagesse. Alors, dans les failles du discours, dans la solitude patiente, elle construit une parole seconde, articulée à la fois au doute et à l'espoir, et chevillée toujours à la ferveur noire, à la beauté déchirée d'être. Parce que, Brogniet semble en être intimement convaincu, notre improbable passage ici-bas peut nous offrir quelques présents. Mais nous ne pouvons guère nous en rendre dignes qu'au prix d'une lucidité confiante devant notre condition déchirée et précaire. Ce qui habite dans la déchirure, écrit-il dans Transparences, habite la vision réunifiante ; pour ajouter, quelques années après, dans Dans la chambre d'écriture : Je suis devant cela qui nous surprend/Complètement démunis stupéfiés/Et je tente d'aimer//Jusqu'à ce froid qui nous efface.

Ainsi vécue, la poésie est-elle équilibre sur le fil du rasoir. Elle doit chaque jour travailler à connaître ses pièges propres et tous les mirages de l'homme, et néanmoins trouver la force de sourire et d'accueillir. Bien loin de la fadasse image d'Epinal dans laquelle notre époque croit l'enfermer, le poète est homme de raison. Pour avoir eu le courage de toucher le fond, de vivre l'abîme du rien - comme Brogniet semble en avoir fait l'expérience dans L'Ombre troue la bouche (1996), il a conquis le droit de poser les prémisses d'une communauté basée non sur le désir de ce que nous n'aurons jamais, mais bien sur nos manques et nos gouffres mêmes. Non pour que nous puissions ensemble en tirer d'inutiles gémissements, mais afin de jouir enfin consciemment du bonheur malhabile de vivre, comme il l'écrit si justement dans Des oracles, des muets (paru en 1996 également). Car quelquefois, il est vrai, d'un éboulis survient un socle, sur lequel rétablir l'assise de la pensée.

Le doute se trouve à l'origine de toute grandeur, écrivait René Char dans Les feuillets d'Hypnos. Il n'est pas exclu de penser, lorsqu'on relit les livres qui constituent à ce jour l'oeuvre poétique d'Eric Brogniet, que ce poète lyrique de notre temps ait mesuré d'entrée de jeu que sa langue ne pouvait prendre force et exalter la beauté quelquefois qu'au prix d'un enracinement profond dans le terreau de l'inquiétude et de la méfiance. Et c'est bien ce qui fait sa grandeur.

Christophe VAN ROSSOM

*

Dans un univers d'attitudes, de phénomènes et de formes qui ont perdu leur signification, avec méthode et avec densité, Eric Brogniet dit son angoisse comme ses incertitudes. Dans ce lyrisme âpre et grave, il y a l'écho de tous nos états d'âme, en dehors de toute rage ou de toute rhétorique : un homme au diapason de nos calmes abîmes.

Alain BOSQUET

*

(...) Rien d'étonnant donc à ce que sa poésie apparaisse, avec une remarquable constance, comme une tentative de réunification d'un savoir éparpillé. Cette écriture dense, serrée, qui s'ouvre pour se refermer, c'est la main de l'enfant légendaire en quête de ses cailloux blancs que la vie lui a dispersés. Poésie non pas hermétique, mais si pleine de savoir et d'exigence qu'elle demande au lecteur une haute participation. L'oeuvre d'Eric Brogniet aborde la poésie en tant que Verbe porteur de pouvoirs. Cet idéalisme ne verse cependant jamais dans la désincarnation mais sourd à grande force d'une existence au plein de son temps, d'une particulière attention aux choses qui sont et qui témoignent pour ce qui idéalement pourrait être : Au plus haut du voyage/mûrissent les effusions./Nous interrogeons toute demeure/toute demeure nous interroge. Eric Brogniet, poète d'une quête initiatique qui va et vient de Le feu gouverne aux Jardins de Monet, d'un univers du gris, du morne, de la mort vivante du quotidien, du manque, du vide, de ce monde à soi-même dérision du haut désir, vers la cime rêvée de toute parole poétique : le salut. Monet trouve la perfection du monde dans la vibration de ses jardins sur la toile blanche, Brogniet en revivifiant ailleurs, par le langage poétique, cette onde sereine, immobile, que pose le mot vrai sur la page blanche. Cependant, jamais ne s'arrête le cycle de l'angoisse et de la ferveur. L'inquiétude dessine ses lézardes à travers les plus harmonieux poèmes de Brogniet, et c'est cette douloureuse dialectique qui en fait la prégnance, qui confère à cette voix singulière sa force, son humanité, son pouvoir de perpétuel questionnement. Car le mystère dont la parole poétique approche demeure ce grand secret qui hantait Baudelaire.

Quel secret aplanira l'anéantissement que nos lèvres ignorent ? (Le feu gouverne, L'Age d'Homme, 1986).

Jacques CRICKILLON

*

Avec Autoportrait au suaire, c'est, bien davantage qu'un simple recueil de poésies éparses, un seul vaste et ambitieux projet qu'Eric Brogniet nous livre. Provocateur et lumineux, déchiré et tendre, enraciné dans la chair même, meurtrie des doutes les plus essentiels, ce poème-oratorio apporte, à l'aube d'un siècle nouveau, quelques raisons d'espérer malgré tout. Et, avant tout, peut-être, il offre un socle à l'assise d'une pensée sensible nouvelle, placée sous les signes conjoints d'une ardente patience, pour dire comme Rimbaud, et d'une inquiétude fertile, ainsi que le pressentait déjà Jacques Crickillon, à propos de l'un de ses précédents livres. C'est que la poésie de Brogniet, poésie qui danse sur les gouffres et sait rire de ses plaies - ce grand livre le prouve à loisir - compte au nombre des tentatives les plus concertées pour tirer la démarche créatrice de ses vains labyrinthes narcissiques en nous désignant, dans la fragilité, un lieu lucide où vivre, c'est-à-dire aimer, penser et mourir, dans le peu de liberté qui nous est octroyé. Car le poète sait bien que l'honneur poétique véritable ne connut jamais d'autre chemin ni d'autre but.

Christophe VAN ROSSOM

*

L'impression qui prévaut est celle d'écluses qui cèdent, libérant des flots longtemps contenus, d'autant plus saisissants qu'ils charrient la matière d'un seul poème, matière drue et irisée, monodique et polyphonique : à la fois l'architecture d'une pensée (celle-ci comme hantée) et des éruptions, syncopes - le jazz litanique de l'oralité. Il s'agit, d'une manière (d'une, entre autres) de

         Lire une langue

        Aux magnitudes bouleversées

 

une langue où se conjoignent les accents prophétiques, la vibration d'un souffle biblique et, entre les imprécations, de brusques lapsus visionnaires :

        (On entend l'eau trembler

        Dans le suspens du midi).

Assurément, le lyrisme décapant - révolte et pitié, douleur et attente - dépasse en émotion et touche - en ces temps d'écriture consensuelle. Touche et secoue :

        Qui sommes-nous qui nous absentons de nous-mêmes ?

Et à chaque coup,

        Le néant traverse.

Mais, trouant, il fonde à nouveau :

        On fait le socle

        De l'ébloui et des accès.

Il y a dans ces pages, inaudible et sans cesse perçu, un halètement qui est et n'est pas nôtre : qui est origine et dissolution de toute idée de nôtre. Et de tout portrait de quiconque ; de toute figure de quoi que ce soit.

Christian HUBIN  (à propos d'Autoportrait au suaire, 2001).

*

Le pessimisme, dans la poésie d'Eric Brogniet, s'inscrit à chaque page de ce nouveau recueil, publié conjointement par les Ecrits des Forges, au Québec, et l'Arbre à Paroles, à Amay. Parfois proche de Michaux, Eric Brogniet nous donne à lire des textes subversifs et à la fois désespérés qui soulignent la fragilité de l'individu mais aussi sa force lorsque la création l'entraîne vers ces contrées mystérieuses où l'existence sert de terrain expérimental à une grâce sous-jacente qui propulse l'art aux cimes de l'écrit :

"Que vienne le vin violent de l'oubli/Où mourir est délivrance et neige/O que vienne la neige/Entendez-vous ? la neige noire de l'oubli".

La lecture infinie rassemble des poèmes inédits et des extraits de divers recueils publiés durant une vingtaine d'années, qu'Eric Brogniet privilégie ici pour les mieux faire fusionner avec un ensemble grave où la précarité humaine se dessine et se confirme jusque dans les arcanes de la douleur multipliée.

Oeuvre forte, à la limite du désespoir, dans laquelle le poète dépose ses illusions et ses vertiges, comme autant de témoignages. Notre condition d'être humain, si elle est ici dénoncée, montrée du doigt, s'en trouve régénérée par le talent d'Eric Brogniet, sensible à l'esprit autant qu'à la chair des hommes en devenir, "toujours plus proches de la mort/Avec leurs outils matinaux".

Jean CHATARD, In : Le Mensuel littéraire et poétique, n° 341, Bruxelles, Théâtre-Poème.)

Merci pour ce beau livre aux accents dostoïevskiens où lyrisme et méditation métaphysique se mêlent dans la fièvre d'une urgence à tout jour reportée ; une voix de Lazare résonne ici, qui ne peut que rencontrer l'écho le plus intime du lecteur.

Jacques CRICKILLON (Sur : Ce fragile aujourd'hui).

*

Eric Brogniet propose un nouvel ensemble de poèmes marqué par la quête vivante et tremblée des pouvoirs du Poème et de l'expression la plus juste de la perte et de la douleur d'exister. Ici,le "vierge,le vivace et le bel aujourd'hui" de Mallarmé n'est pas l'objet diaphane et lointain du poète du Livre...absent...Il s'agit de dire la FRAGILITE de l'instant,le fil ténu de la présence...Si extase et douleur cohabitent dans l'expérience humaine,le poète voit "l'obscur qui nous traverse" - son regard est lucidité blesséee...UNE LUEUR AU COEUR DU  NEANT...."Dans la lueur aveuglée du néant",il faut pourtant avancer....Un théâtre d'ombres s'ouvre : il apportera le songe et quelque nouvelle respiration...Même si la lumière reste "étrangère".Même si nous sommes sur une "scène sacrificielle". L'Histoire a montré que la Pulsion est à l'oeuvre,que le Mal est là,implacable,souterrain et qu'il porte visage d'homme et discours de tromperie.."L'instant du désastre" approche - mais il faut retarder l'échéance,dire l'espoir de la lueur,de la "lumière précise" ! La "présence asphyxiante du monde" ne peut vaincre l'individu,le rêveur écorché de réel.

Eric Brogniet racle sa "vision jusqu'à l'os",art poètique et cri vers le lecteur pour partager ....ce que chacun ne peut partager - la solitude de l'être MAIS  que le Poème pourtant laisse vibrer au plus profond des coeurs .

Alain SUIED (A propos de : Ce fragile aujourd'hui, Le Taillis Pré, 2007.)

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Ce fragile aujourd'hui : voilà un recueil abouti, dense, très humain, et avec de belles fulgurances, comme ces gisements qui transfigurent/le paysage convulsé. Bien sûr, chaque mot/ne sauve pas de la dissolution. Ce n'est pas dans le pouvoir du langage, mais ce dernier transforme même la dissolution en or - l'or du temps aurait dit Breton. "Demeure à jamais au vif/A son terme intense", écrit Brogniet. Cela me semble aujourd'hui l'injonction majeure de la poésie. Tout comme ce : Raclez donc votre vision jusqu'à l'os/Ne vous retournez jamais. Même si l'on sait qu'on se retournera : il faut bien perdre et reperdre sans fin Eurydice... Il reste qu'en dépit des pertes irrémédiables, le poème est toujours futur, projeté au-devant de nous - ouvrant (j'aime ce mot qui peut provenir d'ouvrir comme d'ouvrer, que les Québécois ont conservé, je pense). Le travail libérateur de l'art est au centre, quant à lui, du livre de Brogniet ("Une errante intensité") sur le peintre Bernard Gilbert, lequel décidément a le don de (bien) inspirer les poètes, peut-être parce que sa peinture permet justement la projection. Le style y est très différent de celui de Ce fragile aujourd'hui, et plus proche parfois de Christian Hubin. Mais sans doute est-ce la manière même de travailler la matière qui induit (et non enduit) cette écriture.

Pierre ROMNEE, septembre 2007.

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Ce fragile aujourd’hui d’Eric Brogniet : la « déixis » de son titre arrive à condenser le hic et nunc du moment en le dé-fragilisant du fait de cette force qui l’anime et le reconnaît. Ce livre est un long poème « oraculaire » — terme qui est bien, et ce n’est pas un hasard, le mot final du recueil — finale où les mots se mettent en marche vers une terre insaisissable et pourtant présente. Elle a « une respiration bleue », le passant a « plein ses bras vides », il « est l’attente elle-même ». Il l’habite et lui fabrique une peau de mots sans nullement en taire la longue théorie de malheurs et de désastres qui en ruinent la carapace tuméfiée. Seul antidote, « le corps qui écrit » pour rendre sa propre solitude « vivante » jusqu’à l’étreinte de l’amour, qui, dans le poème final, teint de sensualité et d’érotisme (on entend là la leçon de Breton, d’Eluard et de Char) la grisaille des jours en faisant du « désastre » une possibilité d’« aurore », extrême chance d’une musique face aux amertumes cioraniennes de l’époque.

Fabio SCOTTO, octobre 2007.

*

 

Ulysse errant dans l’ébloui d’Éric Brogniet (2005, inédit) poursuit cette interprétation d’un Ulysse souffrant. Il s’agit de comprendre Ulysse comme une figure de la confrontation à l’"inguérissable" : Ulysse n’est plus ici l’individu enfermé dans une situation de guerre, de conflit, ou d’exil, il est l’homme des "grands cataclysmes intérieurs" (XVII ). Son obstacle n’est plus tant extérieur qu’en lui ; c’est de ses propres déchirures qu’il souffre, de son incapacité à adhérer à sa vie, et la violence qu’il évoque est l’oppression d’un mal-être d’autant plus impossible à surmonter qu’il n’offre aucune prise. Échoué et sans repères dans une existence dont il ne comprend guère le sens, il est le survivant d’un naufrage intérieur.

De même que le Minotaure des contemporains est devenu le monstre que Théséeporte en lui-même, la guerre à laquelle se confronte l’Ulysse d’aujourd’hui est celle d’un exil intérieur. Il ne peut désormais que :

Dire encore l’inadéquation au réel, le refus du convenu

Avec une langue nouvelle de chanter et désespérée de savoir

Et d’arpenter follement toutes nos lignes de fracture

Tous nos miroirs de faille

(IX)

Cet Ulysse-là ne peut lutter contre l’irrémédiable. Il n’a d’autre vis-à-vis que lui-même et l’incompréhensible vacuité de l’existence. Pas plus qu’aucun de ses prédécesseurs dans le siècle, il ne tire de gloire de son parcours dans la débâcle, mais il est au cœur même de ce qui les rassemble tous : la fragilité de l’humain.

 Myriam WATTHEE-DELMOTTE (U.C.L. /FNRS)

*
"Posséder sa perte, aveugler son aveuglement "

un portrait d’Eric Brogniet par Christophe Van Rossom  

Troué d’amour et de beauté / Il est troué jusqu’au cœur / Par la perte et par le temps, écrit Eric Brogniet dans Autoportrait au suaire, le vaste poème-oratorio que viennent de publier les Editions de l’Age d’Homme.

Dans ces trois vers, à la fois simples et élégants, tout le poète est présent. Debout dans le désert du monde, écartelé entre sa soif d’absolu et son désir de toucher du doigt aux joies simples d’ici, lucidement vivant en dépit des clous qui le tiennent attaché à la grande Croix de la modernité. Il fallait oser cette image, comme toutes celles que contient ce beau livre. Le poète en Christ outragé ; le poète en saint, dans une société matérialiste, sans autres liens, semble-t-il, que virtuels désormais. Et c’est lui rendre justice, par conséquent, que de l’avoir risquée, cette image, moins provocante en définitive que désenchantée.

C’est que Brogniet – auteur d’une réflexion critique nourrie sur la situation du poète devant le progressif désenchantement qui frappe le monde depuis environ un siècle et demi – refuse catégoriquement toute forme d’angélisme. La poésie pour lui, disons-le tout net, est œuvre de raison. Ardente, certes, autant que passionnée, elle doit se montrer avant tout lucide et circonspecte. Baudelaire, qui compte avec Celan au nombre de ses références majeures, n’a-t-il pas affirmé qu’une poésie sans conscience critique et sans le travail sur soi qu’elle suppose ne mérite sans doute plus qu’on s’y arrête ? Or, un critique à l’œil affûté et à l’intelligence sensible, Eric Brogniet en porte un en lui depuis toujours, c’est certain.

Un poète critique

Documentaliste de formation passionné dès le plus jeune âge par toutes les formes d’art, ce Cinacien d’origine, né en 1956, travaillera quelque temps comme catalographe avant de devenir, pour 13 ans, conseiller littéraire à la Maison de la Poésie de Namur. Il conférera d’ailleurs à ce lieu une notoriété internationale en raison des colloques et des rencontres qu’il y organise, mais aussi pour la qualité de la revue qu’il y a créée, Sources, ou encore pour la collection Poésie des régions d’Europe qu’il y a fondée. En 2000, il sera pourtant contraint de la quitter, en dépit de tout le travail accompli. Devenu aujourd’hui conseiller du Ministre des Arts et des Lettres, Richard Miller, il n’a cependant au fil de toutes ces années jamais cessé d’écrire, mariant cet incessant travail sur les mots que suppose l’écriture de poésie avec une œuvre de critique qui le range indéniablement au rang des plus grands spécialistes de la poésie moderne de notre pays. Capitale, notons-le d’emblée, fut d’ailleurs sur lui la lecture de quelques grands aînés : Baudelaire, on l’a dit, Rimbaud, Celan, Fondane, Eliot, mais aussi Char, Michaux, du Bouchet, Ginsberg, ou encore Hubin ou Crickillon, pour parler de poètes qui lui sont plus immédiatement proches…

Inlassable animateur de la vie littéraire et culturelle belge, Brogniet se liera d’amitié avec de nombreux poètes belges aussi bien qu’étrangers. Développant une approche plurielle de la réflexion artistique, il nouera également des liens solides avec des peintres, des musiciens, ou des comédiens. Signalons tout de même à cet égard qu’à côté des multiples récompenses qui lui ont été conférées en tant qu’écrivain, Brogniet vient d’obtenir le Prix Adam, attribué précisément en reconnaissance de son action de diffusion et de promotion de l’activité poétique dans notre pays.

Pour autant, Brogniet demeure avant tout un poète lui-même, et certainement l’un des plus exigeants et des plus intéressants que compte notre Communauté.

C’est que, d’entrée de jeu, son propos se situe au confluent des principales interrogations métaphysiques et esthétiques de notre temps. Le monde qui est le sien est un monde qui a non seulement vu le retrait des dieux, mais qui, au surplus, sait que l’Homme comme ultime valeur vacille plus que jamais après avoir été, au cours du siècle passé, plus d’une fois mortellement menacé.

En conséquence de quoi, la grande question que pose son œuvre pourrait se résumer de la sorte : que peut, dans une société du manque (sinon de l’absence même) de valeurs, un poète ?

On s’en doute, Brogniet, n’est ni un naïf ni un doux rêveur, si bien que la réponse que sa poésie apporte, en perpétuelle évolution au fil des livres, sera davantage celle d’un homme paradoxalement à la fois inquiet et confiant, rigoureux en même temps que passionnément enthousiaste. Un homme, en tous cas, qui, navigant avec grâce dans l’incertain rappelle qu’avant même de s’engager sur un chemin, il y a lieu de dresser le cadastre de ses doutes autant que d’établir la cartographie de ses failles. Proche en cela de celle d’un Michaux ou d’un Bonnefoy, la poésie de Brogniet va dessiner un espace en mouvement, qui s’apparente plus à un entre-deux fragile qu’à un territoire ferme, dûment balisé et éclairé. Les Terres auxquelles accéder n’étant guère du reste, chez ce poète prudent, que signalées, ainsi qu’en atteste son deuxième livre de poésie, paru en 1984.

Un lyrisme inquiet

Jouant volontiers, à l’image d’un Crickillon, de toutes les ressources offertes par la poésie moderne – du vers libre bref et non ponctué, au verset ample, en passant par l’énigme dense de la formule aphoristique ou encore par le poème prose –, Brogniet se sera sans doute illustré dans tous les registres. Pourtant, si ce lyrique inquiet – dont l’écriture tendue n’est pas sans évoquer l’esthétique picturale d’un Nicolas de Staël, qu’il admire beaucoup – refuse de se conformer à ce qui constituerait à ses yeux l’enfermement dans un genre, force est de constater qu’une unité thématique très forte se dégage d’un ensemble profus déjà.

À l’évidence désireux de bâtir une œuvre savamment mûrie et très élaborée sur le plan de sa structuration en des livres eux-mêmes souvent construits comme des partitions, Brogniet resserre en effet toujours son discours autour de quelques thèmes essentiels qui l’habitent en profondeur et que sa pensée ou son imaginaire ne cessent de réinvestir au fil du temps.

Dans la préface qu’il consacre à son livre de 1986, Le feu gouverne, Jean Orizet déclare ceci précisément : "On notera déjà le souci de rigueur dans la composition de ce qu’il convient d’appeler un livre et non pas un recueil. Comme dans une architecture musicale, les thèmes sont exposés, développés, modulés avant de se répondre de proche en proche en échos démultipliés d’une vision tellurique et cosmique qui est celle du poète".

Par cette affirmation, Orizet met également en évidence un des principaux enjeux de l’œuvre. Lorsqu’il parle à son propos d’une vision tellurique et cosmique, il met en effet le doigt sur une exigence déjà définie autrefois par Hölderlin : celle qui consiste à tâcher d’habiter poétiquement la terre. Autrement dit de faire de sa poésie le creuset d’une nouvelle modalité d’être, ni plus ni moins. Etre, pleinement et consciemment, c’est-à-dire restaurer, par un effort de langage et de perception, fût-ce fugacement et occasionnellement, la certitude d’une unité entre toutes choses. Quelque chose de l’ordre d’une harmonie vécue et d’une conjonction immédiate entre transcendance et immanence, à l’image de celle qu’on a parfois l’impression de percevoir dans ces toiles de Monet que Brogniet aime au point de leur avoir consacrés plusieurs textes fameux. En ce sens, le critique tunisien Jalel El Gharbi a raison de le souligner, la poésie de Brogniet est bien en  quête d’une lumière qui accole le cosmique et l’ontologique, confère à l’être le prodigieux sentiment d’être en accointance avec l’univers.

Mais, entendons-nous, c’est bien comme étant en chemin de cette présence au monde que la poésie de Brogniet se présente, dans un effort perpétuel et hasardeux sinon risqué même. Car rien ne se donne vraiment qui ne soit conquis de haute lutte. Du reste, cette position-là, cette hygiène de la menace et de la vigilance, ainsi qu’il la nomme, est en réalité la seule que le poète reconnaisse pour sienne. Mémoire de la perte, au sens historique aussi bien que métaphysique, l’écriture poétique telle que la pratique Brogniet n’a en effet rien d’une vision idyllique ou bucolique de nos vies . Elle sait la mort industrialisée des camps, comme l’arrogance de l’argent qui va à l’argent ; elle connaît nos passions virtuelles tout autant que le cruel défaut d’amour dont notre époque semble souffrir plus que toute autre dans l’histoire. Pour dire comme le poète lui-même, elle a pris toute la mesure du désenchantement du monde, de sorte que celui-ci ne pourra guère apparaître, le plus souvent, que sous les espèces de ruines et de cendres.

Mais, plutôt que de céder à la tentation du renoncement, du silence ou de la dénonciation tautologique, il choisit d’opposer au feu du monde aveugle et dévorant des gestes de paille. Si le monde est ruiné, en effet, ainsi qu’il l’observe dans Le feu gouverne, il a cette sagesse folle toutefois de prendre le parti de ce qui sommeille encore sous ses décombres.

L’atroce et la grâce

Le soleil ou la lumière ne seront donc pas absents de ses poèmes, mais il s’agira alors bien d’un soleil ou d’une lumière quêtés au sein même de la nuit la plus noire, dans la conscience des plus abominables atrocités commises par les hommes. Que Brogniet ait intitulé un de ses livres, L’ombre troue la bouche, n’est pas fortuit par conséquent. Il rappelle, si besoin était, que la plus belle fleur enfonce nécessairement ses racines dans un terreau obscur, aux confins du royaume des morts, si bien qu’une force véritable est nécessaire pour se tenir toujours ainsi en équilibre au bord du gouffre. Cette force, après Rimbaud, avec Bonnefoy ou Crickillon, Brogniet la nomme l’amour.

L’amour seul / , écrit-il, Accueille ainsi / La grâce avec l’atroce.

Et ceci amène à évoquer deux derniers points, capitaux pour cerner la poétique de Brogniet. Car cet amour-là est une puissance qui dépasse de loin l’acception traditionnelle du terme. Il est comme une flamme qui veille, comme un espoir fragile, comme un indéracinable courage, comme une ouverture enfin à tout ce qui nous est extérieur. Aussi cet amour peut-il également s’apparenter à de la colère contre tout ce qui nous enchaîne à la grisaille et à la bêtise, au néant de nos sociétés ultra-marchandes : Notre révolte est une forme supérieure de l’amour, précise-t-il alors.

Notre révolte : car Brogniet se veut poète parmi les hommes et non loin d’eux, bien à l’abri dans le confort d’un palais de mots. Revisitant dans chaque poème le langage, il cherche avec fièvre à isoler quelques vocables qui permettraient de bâtir authentiquement une demeure présente, ouverte à tous. Appelant au meurtre de la pensée cousue de fil blanc, dans Rhétorique de Sade, Brogniet entend aussi désigner les bases d’une parole commune, qui sache féconder nos angoisses, et forer dans les murs de nos vies de façon à y faire circuler un peu d’air respirable.

Rêvant parfois d’une totale transparence, épris de lumière et de chaleur méditerranéennes, Eric Brogniet n’oublie cependant jamais qu’il a les pieds posés sur un sol noir et qu’il marche dans un monde froid. Aussi est-ce toujours entre l’orage et le bleu, dans l’écart entre la vie présente et la vie possible, que son verbe a choisi d’établir son aire. Ayant pris acte de toute l’abjection dont l’humain est capable, c’est néanmoins vers lui qu’il se tourne, malgré tout. Au plus profond de la nuit, la poésie généreuse de Brogniet allume quelques lampes fragiles qui élèvent vers le rien du ciel un signe qu’à tout le moins quelqu’un veille encore sur les débris du monde. Nous en apprécions l’inquiète lumière à sa juste valeur.

© Christophe Van Rossom & Lectures, 18 avril 2011.

 

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La poésie d’ÉRIC BROGNIET par Rodica DRAGHINCESCU

(Extrait de : Le Chasseur abstrait, http://www.lechasseurabstrait.com/revue)

Quand on est jeune il ne faut pas hésiter à s’adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d’en poursuivre l’étude. Car personne ne peut soutenir qu’il est trop jeune ou trop vieux pour acquérir la santé de l’âme. Celui qui prétendrait que l’heure de philosopher n’est pas encore venue ou qu’elle est déjà passée, ressemblerait à celui qui dirait que l’heure n’est pas encore arrivée d’être heureux ou qu’elle est déjà passée. Épicure (341 - 270), Lettre à Ménécée.

Le vide est justifié

 

Les philosophes ont eu souvent besoin de leurs amis les poètes et notamment de leur langage sensible pour parler philosophiquement, de bout en bout jusqu’au bout, car, sinon comment faire survivre jusqu’au bout toutes ses théories plus ou moins (f)rigides, plus ou moins issues de la mémoire et de l’histoire des temps? Tous les noms qui ont fait, qui ont dit ce qu’est, ce que n’est pas, ce que devrait être et ne pas être la vie et la philosophie, les Socrate, les Platoniciens, les Aristotéliciens, les Épicuriens, et la Scolastique et Descartes et Kant et Leibnitz, et puis les hégéliens, et tous les autres, les Philosophes des Lumières, et Nietzsche et la modernité, les existentialistes et les nihilistes qui nous ont déjà quittés, le néopositivisme, et les Foucault, les Deleuze et Guattari, et tous ceux qui existent encore, tous ceux-là qui ont écrit et écrivent l’histoire de la philosophie, sans qu’on oublie la contribution de Shakespeare et Brecht, et le cri d’Antonin Artaud, et surtout ceux qui ont conçu la philosophie à travers la poésie. Car qu’est-ce que la philosophie sans la poésie ? Et qu’est-ce que la poésie sans souci de la philosophie ?

« Tout commence à partir de ce manque » - dirait le poète belge Eric Brogniet. Cette magie interrogative, capable d’accueillir toute entité, sillonne les expériences des philosophes et des poètes.

Des liens complexes se tissent ainsi entre l’expérience poétique et l’expérience philosophique. Cet échange créatif et informatif est à la source de quelques œuvres bouleversantes, à même de corriger les hiérarchies et les frontières traditionnelles du savoir et de l’imagination. Ce sont des créations artistiques dont l’écriture défend la liberté d’imaginer et d’explorer l’inconnu, des paroles éveillées sondant les symboles majeurs de l’espace et du temps avec leurs plongées dans le devenir de l’être humain.

Et si nous parlons poésie, poéticité, c’est que les poètes d’aujourd’hui demandent aux philosophes de s’approprier les exigences d’un poète quand il affirme à haute voix que « la poésie doit être faite par tous et pour tous », et quand il n’oublie pas d’ajouter qu’elle doit avoir pour objet « la vérité d’ici ».

Tantôt réelle, tantôt hallucinante, la vérité est oscillatoire. Ses oscillations on les ressent partout. Bifurquée entre vie et mort, elle peut exister sous d’autres formes ou d’autres appellations, ailleurs. Le besoin d’y réfléchir coïncide avec le désir assoiffé d’avoir une vérité connaissable (supposons qu’il y en ait une autre, lointaine, méconnaissable, austère et mystérieuse) et d’avoir compris au moins quelques unes de ses significations. La recherche d’une vérité d’ici caractérise toute identité humaine, car celle-ci lui donne naissance, la nourrit, la séduit et l’invite à ses traces. La quête d’une vérité (dé)formatrice, la poursuite des traces de quelque chosequelque part. Le Quelque chose et le quelque part guident, perturbent, protègent et mènent notre vie de la mort vers la mort.

Pour Nietzsche, la vérité était l’objet, la choseinanimée. Sa vérité philosophaleétant liée à l’objectivité absolue, jamais relative. Une vérité absolue ! Ce que nous percevons par nos sens, ce qui est vrai pour une personne et ne l’est pas forcément pour une autre, est situé par le philosophe allemand sur le territoire de la vérité relative, individualisée, humanisée. Ce type de vérité liée à des différents états d’esprit placés dans le camp de la mémoire et du jugement sensible, comme tout ce dont nous sommes capable de juger.

Certainement, cette ancienne distinction entre la vérité absolue, totale, ultime  et la vérité relative, sensible, fragmentaire, provisoire, est de nos jours vague, dépassée et subjective, hors toute causalité.

 Les existentialistes, par la force de leurschangements sociaux, ont essayé de se rapprocher le plus possible de la vérité relative, de l’histoire vécue ou vivable, et d’inverser ces traits caractéristiques selon lesquels la vérité absolue est déjà générale, absolue, figée et la vérité relative est seulement individualisée et sans importance. Les deux devraient être mesurées en conséquences sur le mystère du vide et de l’existence, du vide de l’existence et de l’existence vide, avant de le dire. Il faut toucher et modifier en quelque sorte l’ouverture entre les deux, ce concept-seuil donnant vers la vérité germinative, allusive, harmonieuse, tellement visitée par les ascètes et les poètes.

 La vie et la mort. La vie du vide. Les philosophes modernes et postmodernes rejettent la distinction entre sujet et objet. Ils déprécient ainsi la connaissance intellectuelle. La vraie connaissance ne s’acquiert pas par la raison, il faut plutôt éprouver la réalité. Cette épreuve a lieu dans l’angoisse. Par quoi l’homme saisit sa finitude et la fragilité de sa position dans le monde, ce monde heideggérien« voué à la mort ».

Avec Kierkegaard, les philosophes s’intéressent à la quête personnelle de la vérité.

Le vide de la vie. Vide plein. Absence noire. Vide vidé de son plein. Absence blanche. La poésie protège les mystères « philosophiques, elle les garde chiffrés mieux que tout autre énoncé. Les poètes habillent et habitent les frontières de ces au moins deux vérités (absolue et relative), (ren)forçant l’invisible par le visible et l’infini par le fini. Leur nature est non de dissimuler mais bien de laisser deviner leurs symboles.

Il arrive que depuis quelques décennies beaucoup de nos poètes vont dans toutes les directions, c’est qui est assez normal, mais dans certains cas, par manque ou par excès de lyrisme, depuis la tendance du jour, ces poètes nous proposent soit une poésie trop minimaliste, soit trop criarde,soit trop érotique, allant jusqu’aux poèmes arides ou trop spiritualistes.

 Il existe aussi un bon nombre des poètes conduits seulement par des interrogations philosophiquement hybrides. Certains d’entre eux ont tendance à écrire une poésie pure métaverbale, une sorte de « sagesse de la poésie », productions souvent ringardes, ennuyeuses, qui se prénomment « relectures/interprétations poétiques de grands philosophes classiques », soit « relectures/interprétations poétiques de grands savants » (je ne donne pas de noms, il y en a plein). Rares sont ceux qui tout en se réclamant de la philosophie, nous offrent une poésie écrite avec talent, goût et pertinence, des créations limpides et incitantes à la fois, entre l’imaginaire artistique et les idées habitées par la philosophie, sans sombrer pour autant dans le simple « délire raisonné ». Il y en a quelques uns bien inspirés, auteurs des méditations poético-philosophiques ou d’aventures lyriques d’essence philosophique, avec d’éblouissantes projections dans l’infini des êtres et des choses.

Et c’est le cas du poète belge Eric Brogniet, un de rares poètes contemporains qui sait charmer les passionnés de poésie et philosophie.

Emotionnellement, le fond de ses livres de poésie bâtit une fragilité harmonieuse, propice à la fécondité de toute parole, de toute pensée, de toute révélation. À travers une clarté poétique, les réflexions du poète invitent la langue à engendrer pour tout jadis, un aujourd’hui pur, fou et immortel.

Depuis son début (Femme obscure 1982) jusqu’au plus récent Ce fragile aujourd’hui (Le Taillis Pré, 2007), Eric Brogniet est un poète hors du commun. La part de réel, de mystère et de fiction qui caractérise la métaphorephysique (licence rd !) de son écriture, concentre dans la solitude de sa voix, « l’éclair de la raison », et « le cœur de l’orage », comme il le dit lui-même : « La solitude est pure comme la neige/Blesse-là, amour, des plus profondes blessures ».

Pour Eric Brogniet, écrire c’est entretenir une liaison magique avec soi et les choses, et les moments et les gens. Écrire, c’est comme vivre un amour infini chaque seconde, avoir une vie heureuse et parallèle, offrir une chance meilleure à ce quotidien banal ; c’est trouver et faire parler le mot purificateur des doutes et des certitudes, de l’âme et de ses mouvances. Sa main telle qu’elle s’écrit, n’a pas de poids, elle est faite de paysages intérieurs, et écrit pour et sur toutes les présences qui germent dans le vide, pour tout ce qui mélange le réel à l’irréel, la vie à la mort, l’univers au nombril d’une chose ou d’un être. Dans sa main la vie vit de la durée et de l’étendue du passage, car le poète, tel qu’il surgit de la peau d’Eric Brogniet, est un axe verticale qui fracture le temps-espace : « Il laisse venir à lui/ Toutes les masses/La matière même de la vie/ Le vertige où il s’enfonce/Est un vortex de lumière/Noire et blanche. »

La poésie brognietienne se trouve dans le passage de l’incertitude, de l’hésitation, elle marque le lieu où les pas s’égarent dans le mystère, où l’ici se dépose sur le là-bas. Pour lui, la préposition symbolique est la préposition entre. Être entre ! E. B. ne figure pas les choses mais il les met entre d’autres choses. Son écriture nous montre un passage secret, un lieu miraculeux, par lequel il faut passer plus loin

Le lieu de sa poésie naît dans le corps, dans les premières questions posées au corps (Qui suis-je ?). Cette interrogation interroge sur l’identité du lieu ( suis-je ?) Une seule et même question. Qui vise le lieu-sujet : la vie du poète incompris : « Je n’ai rien et n’ayant rien/Je suis/Je manque/Fracture la dissonance/Ce qui surgit c’est le passage/Ce qui est dans le vide/Opérant entre deux thermes »

Lieu du dehors -dedans, plaine-colline-montagne-mélancolie-tristesse-souffrance-joie-bonheur infini, le locus du voir-sentir-percevoir-savoir-émouvoir-pouvoir, le locus du sens de naître, d’exister, de mourir et de renaître, le locus de la vie, modulables par les oracles du jeune poète.

Les sentiments qui s’en dégagent évoquent les racines biologiques du créateurs, l’origine, le corps et sa mémoire, car les textes d’Eric Brogniet ont une base biographique, liée à des objets, des situations ou des personnes impliquées dans sa vie.

Femme obscure, Autoportrait au suaire, Mémoire aux mains nues, Une errante intensité, ne citons que ces titres d’ouvrages signés par Eric Brogniet et salués par de nombreux prix littéraires. Dans ces volumes l’écriture ne met pas seulement au travail les sens desmots, mais aussi la calligraphie du corps.[...]